Né en 1954, ingénieur des Mines de Saint-Etienne, j'ai été informaticien toute ma vie professionnelle. Après un début en société de services, j'ai travaillé dans l'informatique de Carrefour (Promodès avant sa fusion avec Carrefour) en interne puis comme prestataire IBM jusqu'à ma retraite officielle en 2017. Je vis actuellement en Saône et Loire à côté de Mâcon.

L’affaire Dreyfus à la fin du 19ème siècle (1) (2)  est restée célèbre comme un des plus grands scandales de l’époque en France. On y a vu  une injustice insigne et un racisme éhonté envers un accusé juif injustement accusé. Cette affaire qui a duré plus de 8 ans a agité la France comme jamais :  certains croyaient à l’innocence de Dreyfus, d’autres à sa culpabilité.

Une caricature de Caran d’Ache parue dans le Figaro du 14 février 1898 illustre cela très bien. On a un premier dessin avec un repas de famille où tout le monde est calme. On y lit la légende : « Surtout ne pas parler de l’affaire Dreyfus« . Puis suit un 2ème dessin en dessous où les mêmes s’engueulent et se tapent dessus, avec la légende : « ils en ont parlé …. ».

Cela se passe de commentaires. C’est tout à fait comme les débats qui agitent de nos jours les gens à propos du Covid. C’est le cas par exemple dans l’Heure des Pro de Pascal Praud sur Cnews.

De nos jours, le mensonge d’état et les machinations néfastes fleurissent de plus belle. Cela nourrit des idées de conspiration parfois justifiées. Il est donc utile de se rappeler ce qui s’est passé à l’époque. Pour finir, la justice et le droit ont fini non sans mal par triompher. Les coupables ont été traduits en justice. Quand on a vu cette histoire, on se dit : « plus jamais cela ». Mais hélas, on oublie. La nature humaine étant ce qu’elle est, cela recommence. Alors, encore et toujours, le travail de mémoire s’impose. Cela permet d’en tirer tous les enseignements pour le temps présent.

 

Les origines de l’affaire

L’affaire Dreyfus éclate au départ comme une banale affaire d’espionnage en 1894. La France et l’Allemagne, suite à la guerre de 1870, étaient restées à couteaux tirés. En France, la haine et la peur de l’Allemagne étaient très vivaces. En face, les Allemands forts de leur puissance et de leur unité retrouvée développaient toujours plus leur armée et des comportements agressifs vis-à-vis de leur voisin de l’ouest. Ceci nourrissait la peur des Français. Ce contexte de méfiance réciproque sera une des causes de la 1ère guerre mondiale 20 ans plus tard. Les sentiments de revanche vis-à-vis de l’Allemagne étaient très développés en France. On portait aux nues  l’armée française comme rempart de la nation.

Dans ce contexte tendu, on apporte une lettre en septembre 1894 dérobée dans une poubelle de l’ambassade d’Allemagne au contre-espionnage français. Cette lettre qu’on appellera plus tard le bordereau, non signée et non datée, était adressée à un attaché militaire de l’ambassade d’Allemagne. Elle montrait que quelqu’un était sur le point de transmettre des  renseignements militaires confidentiels. Après examen de l’écriture de la lettre et des ressemblances avec les écritures de plusieurs officiers, les soupçons se portèrent sur le capitaine Alfred Dreyfus. Venant d’Alsace, il était d’origine juive. Cela en faisait un coupable idéal pour l’État-major très antisémite à l’époque.

 

Le premier procès Dreyfus et ses suites

Après une étude sommaire de son écriture, il est convoqué, et on lui demande d’avouer son crime. En effet, le dossier d’accusation apparaissait bien vide. Bien qu’il ait clamé son innocence, on l’inculpe quand même d’intelligence avec l’ennemi. On l’arrête le 13 octobre 1894 et on l’incarcère.

Son premier procès en conseil de guerre a lieu en décembre 1894. Malgré la minceur des preuves contre lui et ses protestations répétées d’innocence, il est condamné à la dégradation militaire et au bagne.

Un élément avait fait pencher la balance :   la fourniture en toute illégalité par l’accusation pendant le procès d’un dossier secret incriminant fortement le capitaine. La défense de l’accusé n’avait pas eu connaissance de ce dossier. On apprendra par la suite que c’était un faux fabriqué par les services de renseignements pour accuser Dreyfus.

L’opinion publique, chauffée à blanc par une presse antisémite, était déchaînée. Tout le monde le croyait coupable. Suite à sa condamnation, Dreyfus est dégradé publiquement début janvier 1895. Puis, on le déporte en Guyane à l’Ile du Diable.

L’affaire paraissait terminée, elle ne faisait que commencer …

La dégradation d’Alfred Dreyfus dans la grande cour de l’École militaire, le 5 janvier 1895 - Dessin d’Henri Meyer en couverture du Petit Journal du 13 janvier 1895 - source Wikipédia

La dégradation d’Alfred Dreyfus dans la grande cour de l’École militaire, le 5 janvier 1895.
Dessin d’Henri Meyer en couverture du Petit Journal du 13 janvier 1895

Les doutes sur la culpabilité de Dreyfus

Il allait se passer huit ans avant que l’innocence du capitaine Dreyfus ne soit pleinement reconnue.

Dès le départ, certains auront des doutes, notamment le colonel Picquard du contre-espionnage français devant la minceur des preuves contre Dreyfus. Dès 1896, il découvre l’identité du vrai coupable des fuites, un certain commandant Esterhazy.

Mais l’armée refuse de se déjuger : les milieux militaires et le gouvernement de l’époque font barrage, considérant que l’honneur de l’armée et du pays est en jeu.  Le colonel Picquard est écarté de son poste, puis muté en Tunisie. Son adjoint, le commandant Henry, fabrique même un faux contre Dreyfus en novembre 1896.
Puis un conseil de guerre innocente Esterhazy le 10 janvier 1898.

 

« J’accuse » d’Emile Zola

03 Dreyfus

Suite à l’acquitement d’Esterhazy,  l’écrivain Émile Zola publie le 13 janvier 1898 dans l’Aurore une lettre « J’accuse » adressée au président de la République.

Cette lettre attaque l’État-Major pour avoir faire condamner un innocent, et demande la révision du procès Dreyfus. Cette adresse au chef de l’état a un retentissement énorme dans l’opinion, et la France se divise en dreyfusards (principalement à gauche et dans les milieux pacifistes) et anti-dreyfusards : surtout à droite et à l’extrême droite, dans l’armée, dans les milieux catholiques traditionnels et royalistes, et chez les antisémites.

La réaction de l’état est terrible : Zola est attaqué en diffamation et condamné à un an de prison ferme avec 3000 francs d’amende, une somme considérable à l’époque. De même, le colonel Picquard est poursuivi et même mis aux arrêts pendant un moment.

 

La réhabilitation de Dreyfus

Cependant, en août 1898, le commandant Henry, un des principaux accusateurs de Dreyfus, reconnaît publiquement qu’il a falsifié le dossier secret produit au premier procès Dreyfus, et se suicide.  Un premier procès en révision de Dreyfus devenait inévitable. Il a lieu en septembre 1899.

De manière inique, il déclare à nouveau Dreyfus coupable, mais avec circonstances atténuantes cette fois-ci. Dreyfus est gracié dans la foulée par le Président de la République. On le libère, et il sort du bagne.  Mais il était toujours considéré comme coupable.

Il faut attendre 1906 pour qu’un ultime procès en révision tenu devant la cour de cassation reconnaisse enfin la pleine innocence de Dreyfus. Il décide alors sa réintégration dans l’armée le 13 juillet 1906 avec le grade de commandant.

 

Suites de l’affaire Dreyfus

L’affaire Dreyfus a eu de grandes conséquences à l’époque. La mise à nu du mensonge d’état soutenu par certains milieux les a déconsidéré. La République l’avait emportée sur les royalistes et certains milieux catholiques traditionnels.  Cela précipitera l’arrivée au pouvoir du « Bloc des Gauches » en 1902. L’influence de l’église catholique en sera d’autant diminuée. Une loi de séparation des Églises et de l’État sera votée en 1905. C’est la base de la laïcité sous laquelle vit toujours la France de nos jours.  L’armée de son coté sera purgée de ses éléments royalistes et deviendra républicaine.

 

Enseignements pour le temps présent

Quand on revoit cette affaire célébrissime plus de 120 ans après, on ne peut qu’être frappé par les ressemblances avec le temps présent et l’affaire du Covid. Les historiens du futur considéreront à n’en point douter le Covid comme un des plus grands scandales du 21ème siècle.

Certes ici, il ne s’agit ni d’une injustice suite à un procès ni d’une affaire de racisme ou d’antisémitisme. On peut y voir  une affaire de corruption sanitaire à l’échelle de la planète, même si on ne l’a pas prouvé à l’heure actuelle.

Ce qui est similaire, c’est le mensonge d’état, soutenu par notre gouvernement et certains grands médecins, y compris au niveau international. Ils refusent d’admettre qu’ils se sont trompés dans les mesures anti-Covid qu’ils ont préconisé et que cela entraîné des milliers de morts inutiles. Dès lors on a continué de mentir au public. On a aussi monté les Français les uns contre les autres en jetant l’opprobre sur les non-vaccinés du Covid.

Comme alors, le pays s’est bien divisé. Les émotions ont été à leur comble. Toute la presse officielle comme à l’époque, mais avec les moyens beaucoup plus puissants de notre temps (TV), a suivi.

Mais les leçons de l’histoire sont implacables. Un mensonge d’état ne tient pas éternellement quels que soient la puissance et le pouvoir de ceux qui le promeuvent. À un moment, il finit toujours par être démonté,. Ses instigateurs sont alors déconsidérés, voire poursuivis en justice pour s’expliquer. Ce n’est qu’une question de temps. Mais cela peut prendre du temps,. Dans le cas de l’affaire Dreyfus, il a fallu plus de 8 ans pour en voir le bout.

 

Pour en savoir plus

Deux très bons articles nous apprennent tout sur l’affaire Dreyfus :

On peut aussi citer le grand film de Roman Polanski « J’accuse » sorti en 2019 avec Jean Dujardin dans le rôle du lieutenant-colonel Picquard et Louis Garel dans celui de Dreyfus. Les accusations sexuelles portées contre Roman Polanski ne doivent pas faire oublier les grandes qualités de ce film.

 

 

Michel Renouleau – revu le 16/04/2022