Né en 1954, ingénieur des Mines de Saint-Etienne, j'ai été informaticien toute ma vie professionnelle. Après un début en société de services, j'ai travaillé dans l'informatique de Carrefour (Promodès avant sa fusion avec Carrefour) en interne puis comme prestataire IBM jusqu'à ma retraite officielle en 2017. Je vis actuellement en Saône et Loire à côté de Mâcon.

Louis XIV est un de nos plus grands rois, mais il a commis un certain nombre de fautes dans son long règne. La révocation de l’Édit de Nantes en 1685 est certainement une des pires.

 

Louis XIV

Portrait de Louis XIV par Rigaud vers  1700
Château de Chenonceau

 

En France se met en place un régime d’apartheid contre les non vaccinés du Covid suite à l’instauration du pass vaccinal en janvier 2022. Il est donc utile de se remémorer ce passé d’une démarche d’intolérance et d’exclusion similaire. En effet, la connaissance de l’histoire donne du recul sur les évènements du présent, les remet en perspective, et est riche d’enseignements.

Sur un plan personnel, une partie de ma famille est d’origine protestante. Certains de mes ancêtres huguenots se sont réfugiés en Suisse ou en Hollande suite à la Révocation.  D’autres ont continué à pratiquer leur foi en secret jusqu’à la fin de la persécution peu avant le début de la Révolution, un siècle plus tard.  Cette histoire me touche donc tout particulièrement.

 

Les évènements ayant conduit à la Révocation

 Sous Henri IV et Louis XIII

Henri IV avait instauré l’Édit de Nantes en 1598. Le but était de permettre en France la cohabitation du catholicisme et du protestantisme. On voulait ainsi mettre fin aux guerres de religion qui avaient ensanglanté la France dans la 2ème partie du XVIème siècle. Au début, cet objectif sera à peu près atteint, malgré les premiers coups de canifs donnés par Louis XIII et Richelieu 30 ans plus tard contre les aspects politiques de l’Édit : les places de sûreté créées par l’Édit seront ainsi démantelées suite au long siège de La Rochelle en 1628. Mais il restait tout de même un régime de tolérance assez unique en Europe. Les protestants pouvaient toujours vivre leur foi.

A partir de Louis XIV

Les choses changent à partir de l’arrivée au pouvoir de Louis XIV en 1661. Ce roi, très croyant, était sous l’influence de la partie plus rétrograde de l’église catholique. Ces gens considéraient l’existence même du protestantisme comme une abomination dont il fallait purger le royaume de France. Une politique d’intolérance se mettra ainsi progressivement en place. Elle visait à décourager la pratique du culte protestant et à amener les protestants à se convertir au catholicisme.

Tout cela eut un succès très relatif.  Le roi commence alors à employer les grands moyens à partir de 1681. Il fait détruire nombre de temples protestants et d’écoles, en fait fermer la plupart.  Les protestants doivent se soumettre au baptême et au mariage catholiques. Il ordonne de faire baptiser tous les enfants à naître, et crée des caisses de conversion pour acheter les conversions.
Il impose aussi de loger des soldats chez les protestants. Ces dragons, du nom de ces soldats, les maltraitent, les dépouillent de leurs biens, pillent et parfois, tuent. On appellera cela les Dragonnades. Cette politique de persécutions entraînera par la peur une accélération des conversions forcées. Elle ne parviendra pas toutefois à faire disparaître les protestants.

Révocation de l'édit de Nantes

Les dragonnades – source Wikipédia

Le 18 octobre 1685, considérant qu’il n’y a presque plus de protestants en France, le roi décide alors, par l’Édit de Fontainebleau, de révoquer l’Édit de Nantes et d’abolir la pratique du culte protestant en France.  Tous les temples restants devront être détruits; les pasteurs devront se convertir ou quitter le royaume; l’exercice du culte protestant et ses écoles seront interdits; les protestants auront interdiction d’émigrer sous peine de galères et de confiscation de leurs biens. Un concert de louanges d’une bonne partie de la France, de toute la catholicité militante de l’époque et de nombre de grands esprits comme Bossuet approuvera cette décision.

Gravure Révocation de l'édit de Nantes

La Révocation de l’Édit de Nantes. © Gravure de Jan Luyken (1649-1712), Gallica, BnF, département des Estampes et de la Photographie, DP – source Wikipédia

Conséquences de la Révocation

Les conséquences immédiates de la révocation de l’Édit de Nantes sont tragiques. Malgré l’interdiction, plus de 200 000 protestants, la partie la plus industrieuse du royaume, émigrent dans des pays voisins (Suisse, Hollande, Prusse, Angleterre), et font la richesse de ces pays. La France, par contraste, en est d’autant appauvrie. Elle verra se lever contre elle un vent d’hostilité qui  comptera beaucoup dans les guerres que mènera contre Louis XIV l’Europe entière coalisée contre lui.

En France même,  les protestants restés sur place mènent une résistance passive. Ils continuent à pratiquer leur culte en cachette dans leurs assemblées, qu’ils appelleront le « désert ».

Une révolte sanglante, la guerre des Camisards, éclate dans les Cévennes au début du 18ème siècle au beau milieu de la guerre de succession d’Espagne. Elle  oblige le roi à détourner plusieurs de ses meilleurs régiments et son meilleur général, le Maréchal de Villars, pour y mettre fin.

 

La longue persécution durera près d’un siècle. Dans la première moitié du 18ème siècle, les pasteurs et les participants pris dans les assemblées du désert étaient condamnés aux galères et déportés.

Cependant, cette politique ne marche pas. Le nombre de protestants continue à croître du fait de la natalité. Ceci amène progressivement une certaine tolérance qu’il ne faut pas exagérer. On avait arrêté de poursuivre les protestants, et on tolérait maintenant leur existence,  vu leur nombre et leurs assemblées du désert. Ils n’avaient cependant aucun droit et pas d’état civil.  On ne  reconnaissait pas leurs mariages, ils étaient considérés comme vivant en concubinage. Pour que leurs enfants aient une existence légale, certains allaient les faire baptiser à l’église avec l’aide de curés qui sans être dupes acceptaient de le faire.

 

L’Édit de tolérance en 1787 et ses suites

Peu avant la Révolution, en novembre 1787, Louis XVI signe un édit de tolérance à Versailles : il autorise enfin le culte protestant et donne un état civil aux protestants. Certains parlements en province font de la résistance et refusent un temps d’enregistrer l’édit. Ceci retarde d’autant son application dans les provinces concernées. Par exemple, le parlement de Guyenne n’enregistre l’édit qu’en février 1789. L’état civil n’y est ouvert aux protestants qu’en juin 1789.

Des milliers de protestants régularisent alors leur mariage et déclarent leurs enfants à ce moment-là. Mais il restait des limites. Le catholicisme restait la religion officielle du royaume; l’accès aux emplois publics et à l’enseignement restaient interdits aux non-catholiques.

Ce n’est que sous la Révolution que l’égalité complète avec les catholiques est obtenue avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen en août 1789. La liberté de culte sera garantie en septembre 1791.

 

Enseignements pour le présent

La politique menée par le président Macron depuis 2021 contre les non-vaccinés du Covid rappelle, toutes proportions gardées, la politique de Louis XIV à l’encontre des protestants. Toute politique de persécution, malgré les louanges du chœur médiatique, a beaucoup d’effets délétères. Elle suscite une opposition d’autant plus forte que la contrainte est puissante.

Dans le passé, nos protestants ne se sont pas laissé faire. Ils ont préféré pratiquer leur culte dans la clandestinité malgré les risques, voire émigrer. Il en sera de même de nos jours. L’homme n’accepte pas que l’état lui dicte par la contrainte ce qu’il a à faire, c’est une loi de l’histoire.

 

Pour en savoir plus

Le lecteur désireux d’en savoir plus peut parcourir quelques articles intéressants sur le sujet.
Parmi eux, citons :

 

Michel Renouleau – finalisé le 03/02/2022