Né en 1954, ingénieur des Mines de Saint-Etienne, j'ai été informaticien toute ma vie professionnelle. Après un début en société de services, j'ai travaillé dans l'informatique de Carrefour (Promodès avant sa fusion avec Carrefour) en interne puis comme prestataire IBM jusqu'à ma retraite officielle en 2017. Je vis actuellement en Saône et Loire à côté de Mâcon.

Shenyang (Chine) – meeting de commémoration du 10ème anniversaire de la Révolution Culturelle
Les ménagères répondent aux soldats de l’Armée Rouge

Comment ça s’est décidé

En 2ème année à l’école des Mines de Saint-Etienne, en 1975,  un camarade de promotion proposa de faire un voyage en Chine  pour notre voyage de fin d’études en 1976.

La maison des élèves des Mines de

La maison des élèves à Saint-Etienne

Sur le moment, l’idée est apparue complètement folle : d’abord la Chine était complètement fermée à ce moment-là. C’était juste avant la mort de Mao, à l’époque de la fin de la Révolution Culturelle.  Et puis, nous étions des jeunes gens en fin d’études, certains d’entre nous n’avaient pas beaucoup d’argent personnel. Comment financerions nous tout cela ?

Curieusement, avec le temps, tous les obstacles se sont évanouis les uns après les autres, comme c’est souvent le cas lorsqu’un beau projet commence et qu’il est en phase avec l’époque. Manifestement, le gouvernement chinois de l’époque, encore dirigé par l’immense Chou En Lai peu avant sa mort début 1976 avait parfaitement compris l’intérêt, dans sa politique d’ouverture à la fin de la Révolution Culturelle, d’accueillir toute une équipe de jeunes ingénieurs français. Non seulement nous n’avons eu aucun obstacle de ce côté-là, mais nous avons été reçus somptueusement.

 

Préparatifs

Il fallait trouver comment financer notre voyage. Ne doutant de rien, nous avons tout fait, notamment une vente de produits chinois,. Nous avons organisé un concert du chanteur Frédéric Mey  à la Maison de la Culture de Firminy. J’ai découvert à cette occasion ce chanteur et guitariste extraordinaire, surtout connu en Allemagne sous le nom de Reinhard Mey. C’était un homme très simple et sympathique qui n’avait pas hésité à bavarder et à manger avec nous à la fin du concert.  Hélas, rien de tout cela n’a rapporté beaucoup.

L’idée géniale qui nous a financé, c’est la campagne téléphonique que nous avons faite auprès des anciens élèves de l’école des Mines dans les entreprises pour avoir des subventions dans le cadre de la taxe professionnelle. Ça a très bien marché, cela devait rencontrer une attente. Pour finir, cela a financé le voyage à 100%, nous n’avons pas eu à débourser un centime pour cela.

Nous sommes partis finalement en mai 1976 à environ une trentaine, accompagnés par le Directeur de l’école des Mines de Saint-Etienne et par deux ou trois professeurs pour 3 semaines en Chine. Un  bonus à Hong-Kong et en Thaïlande de 2 semaines a suivi.

Un ami m’avait prêté son appareil photo réflex, car je n’avais pas de bon appareil. J’étais alors novice en photo, mais même s’il y a des manques dans mes photos, elles n’ont pas été mal dans l’ensemble.

 

Notre voyage en Chine

Le temple du ciel à Pékin

Le Temple du Ciel à Pékin

Un voyage en Chine original avait été prévu. Il comportait une partie touristique, avec la visite de certains grands musts comme la Grande Muraille de Chine, la visite de Pékin et des environs, de Shanghai, et de Canton. La partie Étude n’avait pas été oubliée pour autant.

On a notamment passé une semaine en Mandchourie. Cette province n’était pas du tout ouverte en 1976, et ne manquait pas d’intérêt, bien que peu touristique.  Nous sommes ainsi descendus dans une mine de charbon à Tangshan; puis nous avons vu un immense complexe sidérurgique dans la même ville. Ce fut aussi la découverte d’une mine de charbon géante à ciel ouvert en Mandchourie, d’une école du 7 mai à côté de Pékin, et d’une commune populaire dans la région de Shanghai.

Mine de charbon à ciel ouvert en Mandchourie

Il y a eu aussi la visite d’écoles d’enfants, si vivants et touchants.

Nous avons assisté à un meeting commémoratif du 10ème anniversaire de la Révolution Culturelle à Shenyang, dans un grand stade, placés juste derrière les officiels du Parti et traités en hôtes de marques. Quand nous sommes arrivés dans le stade, les milliers de spectateurs nous ont regardé longuement avec curiosité.

Je me souviens aussi d’une séance de cinéma. Dans une immense salle, les 2000 personnes présentes se sont levées à notre arrivée pour nous applaudir : une impression inoubliable, plus que le film de propagande côté chinois sur la guerre de Corée que nous avons vu alors.

Les repas furent partout fastueux, la gastronomie chinoise n’est pas un mythe.  Je me souviendrai toujours du canard laqué succulent selon la vraie recette pékinoise servi un soir en Mandchourie. C’était une réception de rois !

Nous avons aussi apprécié la culture et la musique chinoise dans toute leur beauté lors d’une séance à l’opéra de Pékin.

Impressions sur la Chine de 1976

La Chine en mai 1976 sortait à peine de la Révolution Culturelle. Les Occidentaux la visitaient très peu alors. Elle était même en pleine résurgence du maoïsme le plus extrême. Deng Xiao Ping venait d’être démis suite à la mort de Chou En Laï en début d’année. La bande des 4 régnait en maître juste avant la mort de Mao qui interviendrait bientôt à l’été 1976.

La propagande était omniprésente.  On nous en a servi tout au long du voyage, sans grand effet pour nous.

Le culte de la personnalité en statue

Le culte de la personnalité : statue de Mao à Shenyang

Les vêtements étaient très uniformes, surtout dans le nord du pays où le costume Mao était de rigueur partout.

Nous avons pu nous balader librement sans guide dans les rues bondées du centre de Pékin et aller seuls dans les magasins; en URSS, ce n’était pas possible. Je me suis toujours senti en sécurité.

En Mandchourie, ils n’avaient manifestement pas l’habitude de voir des étrangers, ils nous regardaient comme des bêtes curieuses, les enfants nous suivaient partout.  Dans le sud du pays, à Shanghai et Canton, j’ai ressenti moins d’uniformité dans les vêtements, et personne ne faisait attention à nous. Eux, ils avaient l’habitude de voir des étrangers.

 

Foule et costumes Mao à Pékin

Dans la rue à Pékin

A Canton

À Canton

L’évolution fantastique de la Chine par la suite  ne m’a pas du tout surpris. Déjà à l’époque, les magasins, pour autant qu’on a pu voir, étaient pleins et les gens achetaient, même si le pouvoir d’achat était bas. Cela contredisait toutes les images de pénurie véhiculées par les pays communistes. Malgré l’uniformité des vêtements, nous n’avions pas l’impression de nous trouver dans un pays du Tiers Monde, où les gens ne mangeaient pas à leur faim.

Retour en France

Au retour en France, nous avons sorti, conformément à nos engagements, une plaquette décrivant ce qu’on avait vu et nous l’avons fait publier. Nous avons envoyé cette plaquette à tous les contributeurs qui nous avaient aidés au niveau de la taxe professionnelle.

Avec un pincement au cœur, j’ai appris par la suite le tremblement de terre de Tangshan fin juillet 1976, juste avant la mort de Mao. Le ciel, comme c’est l’habitude en Chine, avait voulu marquer la mort de l’Empereur. Vu que Mao a été un grand empereur, le coup a été rude : il y a eu près de 250 000 morts, un des tremblements de terre le plus meurtriers de l’histoire, autours 8,2 sur l’échelle de Richter, et la ville a été rasée. Nous avions visité cette ville, étions descendu dans sa mine de charbon, et  avions vu son gigantesque complexe sidérurgique. Très probablement, beaucoup des gens qui nous avaient si bien reçus en mai 1976 sont morts 2 mois après !

Je conserverai toute ma vie les images de ce voyage en Chine hors du commun. Je mesure la chance d’avoir pu le faire,  d’avoir vu ce grand pays et d’apprécier sa belle civilisation. Cela montre aussi que lorsqu’on se lance dans un grand projet et qu’on y croit fermement, l’impossible se réalise, même si cela paraît fou au départ.  Tous les obstacles s’évanouissent, cela devient un boulevard. J’ai rencontré plusieurs fois cela dans la vie lors de projets professionnels ou personnels, tout est affaire de motivation.

 

Michel Renouleau – finalisé le 21/02/2022